Au Chemin des Dames
Si les morts de Verdun sont élevés par la nation au rang de héros, ceux du Chemin des Dames font figures de sacrifiés inutiles dans une vaine offensive.
Quand les armes se taisent enfin, le paysage est complètement bouleversé. Par arrêté préfectoral du 16 avril 1919 (deux ans après le début de l'offensive Nivelle) le secteur du Chemin des Dames est déclaré "Zone rouge", c'est-à-dire impropre à l'agriculture.A Hurtebise, l'opiniâtreté de Gustave Adam parvient à démontrer que la remise en culture est possible. Pendant plus de vingt ans, trous d'obus et tranchées sont remblayés, on extrait du sol des tonnes de ferraille et de munitions et des cadavres par dizaines. Peu à peu s'effacent les traces d'une guerre.
Sur cette crête surplombant la vallée, il fait si beau, les oiseaux chantent, le ciel est bleu, il y a des fleurs... exit les tranchées et les barbelés, les obus et les cratères, le gaz et la puanteur, les cadavres...
et puis... et puis...
Et puis je pense au rouge garance du pantalon des soldats au début du conflit, comme un panneau indicateur.
A "Paroles de Poilus", ces lettres bouleversantes de soldats français et allemands.
Aux gueules cassées.
A Tardi et aux récits de son grand-père.
Au décès des derniers Poilus il y a dix ans...
La beauté de ce paysage aujourd'hui contraste si fort que j'en ai la gorge serrée et des frissons sur la peau...