Cher journal...
Notre dernier atelier d'écriture prenait comme décor des immeubles d'habitat participatif (Abricoop), dans le quartier de la cartoucherie à Toulouse. Et d'imaginer un évènement en était le thème.
Cher journal,
J’ai eu 15 ans hier et je me suis fâchée avec ma mère. Elle ne veut toujours pas que je fasse des études d’Arts plastiques. Elle dit que ça ne prépare pas à un vrai métier. Que ça fait des saltimbanques, au mieux des originaux, au pire des parasites. De toute façon, depuis qu’elle a divorcé, elle est toujours contre tout ce que je dis, tout ce que je fais. Et hier, ça s’est terminé par la cerise sur mon gâteau d’anniversaire : « T’es bien comme ton père ! ». Comme si ça me gênait ! Quant à son cadeau, je te laisse en juger par toi-même : un sweat à capuche « Nutella ». Je t’explique : reproduction de l’étiquette du pot sur la moitié supérieure et en bas, ce qui doit être du Nutella…
No comment, mais anniv’ de MERDE
Heureusement qu’Alice, ma super grande sœur, m’avait offert un carnet de dessin, j’étais prête à hurler à ma mère que je l’habillerai avec le sweat « Nutella » dans son cercueil…
Enfin, ce soir, on va fêter mes 15 ans chez papa. Moi je l’aime bien papa. Il s’est trouvé un appart’ dans un truc participatif où chacun peut partager son savoir-faire. Ou pas… C’est ce qu’il nous a expliqué ce matin, quand on est arrivées chez lui, Alice et moi. Je le trouve plutôt cool papa ; c’est un artiste, même s’il est garagiste. Ce soir, je lui parlerai de mon envie de peindre et de faire les Beaux-Arts.
J’ai emporté le super cadeau que m’a offert Alice, bien décidée à l’étrenner aujourd’hui. Et d’ailleurs, j’ai fait la première page : « Mon Carnet d’Artiste », c’est le titre et « À ma sœur », la dédicace. Et j’ai dessiné des petits cœurs.
Cet après-midi, je me suis assise en tailleur sur le balcon. Il faisait beau, mais il y avait beaucoup de vent. J’ai mis des pinces-à-linges pour garder les pages de mon carnet ouvertes et je l’ai dessiné. Elle.
Au milieu de la cour, sur l’herbe, pieds nus, elle dansait. Le vent jouait avec elle, sa robe s’accrochait à ses jambes, puis la libérait dans un mouvement ample. Elle se cambrait, se pliait, tournait, s’allongeait, sautait, se recroquevillait, ondulait avec tant de grâce, sans bruit, la musique dans sa tête. Elle dansait, sans se soucier d’un public qui pouvait la regarder ni du qu’en dira-t-on.
Et comme je la dessinais, mon crayon suivait son rythme et il me semblait être en harmonie avec elle, comme si je percevais sa musique
Et puis lentement, un foulard porté par le vent est descendu à sa rencontre. Elle l’a tout de suite apprivoisé, tendant sa main pour qu’il s’y pose comme un oiseau. Elle n’était plus seule. C’était un pas de deux.
Ma double page se remplissait peu à peu et je ne pensais plus à rien. Je n’étais plus tendue, j’étais dans une bulle qui virevoltait avec les danseurs. Elle et son « compagnon ». J’ai terminé mon dessin en écrivant en bas à droite : « Hermès et Alice »
Alice, ma grande sœur, mon cœur, merci pour ces merveilleux cadeaux. Tu es ma muse et ensemble nous gagnerons : tu danseras et je peindrai.